Artisanat  ·  27 janvier 2016, 11:49

Héphaïstos en terre de design

©VdF

Au Ban-Saint-Martin, en périphérie de la ville de Metz, Jean-Louis Hurlin ouvre la grande porte vitrée de son atelier, fonce devant et se faufile, au sens propre, entre le marteau pilon et l’enclume. Le forgeron d’art entre sans attendre dans le vif du sujet, montre des échantillons, explique les différentes étapes du travail du métal, passant sans transition d’un fragment de mokumé laiton/cuivre aux dessins délicats révélés à l’acide d’une météorite.

« On a envie de faire quelque chose qui vous titille les méninges. »

Ses objets empruntent une large palette de techniques, à commencer par le damas, dont la tradition millénaire venue d’Inde et du Japon servait à la fabrication d’armes, notamment d’épées qui restaient souples sans être cassantes. Ce procédé demande une grande maitrise et une vraie force physique, pendant des heures, dans l’atelier rempli de bruit et de fumée, « il faut frapper, c’est pas un casse-noisette. » Pas question pour Jean-Louis de singer le passé, ou de ne faire que de couteaux, comme tout le monde, mais « quand vous possédez la technique, qu’est-ce qu’on peut faire avec çà ? » Né en 1950 à Metz, il fait une école de forge dans les années 60 et ses premières armes dans le Lot. Il est curieux, s’intéresse à la peinture, à la sculpture, découvre Richard Serra et Joseph Beuys grâce à son cousin aux Beaux-Arts. Il développe son savoir-faire, se forme, pour répondre au fil des années à des commandes très variées, allant du lutrin pour un livre de Picasso au reliquaire de l’église Saint-Nicolas des lorrains à Rome ou des fac-similés de pièces celtes pour le Musée de Bibracte. En 2000, il est nommé Maitre d’Art pour le Damas, et sera depuis aussi sollicité par la haute joaillerie pour réaliser des prototypes de fonds de montres luxueuses. Ses pièces plus personnelles donnent lieu à des expositions, au Musée de Berck en 2002 ou au Salon des Métiers d’Art et de la Création Révélations au Palais de Tokyo en 2015.

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Dans l’atelier, en hommage à Rimbaud, un ensemble inspiré du poème Voyelles dont il façonne la première strophe A, noir, hermétiquement scellée à l’intérieur d’un cube de métal. Le portrait du poète voisine gentiment avec un catalogue de Marcel Broodthaers et une affiche de Lancelot du Lac du cinéaste Bresson. Il accompagne à l’étage où il vit, avec son fils et sa femme Roxane, offre encore un café, montre d’autres échantillons, parmi une foule de petits objets traditionnels, issus pour certains du Pérou où il anime en 2009 un workshop dans le centre de restauration et de conservation Yachay Wasi. Pour transmettre son savoir-faire, Jean-Louis n’hésite pas à traverser la cordillère des Andes, mais il enseigne aussi dans un lycée professionnel de la région à des élèves qui apprennent avec lui les techniques de forge, et dont il souhaite qu’ils ne copient pas trop le XVIII ème siècle et puissent se sentir libres. En 2005, il crée Laboratoire II sur les sentiers de Vent des Forêt et collabore maintenant avec matali crasset à la réalisation d’un étonnant cuit-pomme formé de trois coupes en acier, brut de forge à l’extérieur, poli et tout doux à l’intérieur. Pendant la réalisation du prototype, méticuleux, il s’interroge déjà sur la pérennité de la pièce :

« On fait ça en inox ou pas ? »

Il aime les objets qui posent question, sortent des voies toutes tracées de l’artisanat, et choisit la métaphore footballistique du « temps additionnel » pour qualifier la période de sa vie où il peut se consacrer à des pièces qu’il veut avant tout habitées.

©Roxane Kouby

©Roxane Kouby

©Roxane Kouby

©Roxane Kouby

©Roxane Kouby

Objet We trust in wood par matali crasset réalisé par l’artisan Jean-Louis Hurlin (Le Ban-Saint-Martin, 57) :

Cuit pomme en acier inoxydable.
H 10 cm x L. 30 cm

 

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