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En ce milieu d’été, le portail du Carmel de Verdun est grand ouvert sur la rue Saint-Victor. Un petit jardin à traverser, on sonne, on entre. Un coup d’œil à la chapelle à gauche, blanche, silencieuse. Sœur Marie-Béatrice accueille, tout sourire, fait volontiers la visite de l’espace de vente, et invite à patienter dans le petit salon. Sœur Laure est un peu en retard, le barbecue de midi l’a bien occupée, elle arrive de sa douche d’un pas décidé, serre une main franche et propose d’aller chercher les « couettes de Matali ».
« J’étais prudente, un peu sceptique au début de ce projet. Plumlaine existe depuis 1947, et c’est la seule activité que nous avons gardé. »
La confection d’articles de literie n’est pas née d’aujourd’hui, mais cette collaboration entre la designer Matali Crasset et les sœurs carmélites de Verdun a quelque chose d’exceptionnel, d’unique. « Nous n’étions pas sûres d’y arriver, le projet initial n’était pas faisable pour nous, il a fallu entièrement programmer la machine. » Ce n’est pas ce qui a arrêté Sœur Laure, et la petite communauté de dix sœurs a relevé le défi de la confection de couettes colorées surpiquées de motifs géométriques imbriqués. Ce beau projet qui insère dans le tissu local des artisans réunis autour de Matali Crasset les motive. Elle reconnait : « C’était un énorme travail pour nous, bien plus que je ne pensais, mais j’ai décidé de tenter le coup et de me lancer dans l’aventure ! »L’atelier n’est bien sûr pas l’activité principale, le temps est équitablement réparti entre la prière, dont les sept offices rythment la journée, et le travail. Chaque sœur y prend sa part, en fonction de ses capacités. Vive, lumineuse, Sœur Laure retrace en souriant sa trajectoire de vie : « J’ai depuis très longtemps ressenti le besoin que ma vie ait un vrai sens, c’est un long cheminement. » Un profond questionnement existentiel la saisit très tôt et l’accompagne y compris pendant ses six années de médecine qu’elle décide de ne pas poursuivre.
Née à Lyon, il y a trente-sept ans, elle s’étonne presque du chemin parcouru depuis quatorze ans, lorsqu’elle entrait au Carmel pour épouser la vie monastique, après un an de postulat, deux ans de noviciat et six ans de profession temporaire, le temps d’une vraie réflexion. De parents non croyants, mais ayant reçu la foi de ses grands-parents, Sœur Laure n’a pas été particulièrement confortée dans son choix par sa famille, hormis par sa sœur très proche. D’autant plus que choisir une communauté n’est pas aisé, il faut se sentir intégrée, comme dans une famille : « ça prend du temps, il faut être sûre, certaines communautés sont fragiles… » Comme celle de Domremy où elle avait voulu faire une retraite, mais qui ne pouvait pas l’accueillir. Sœur Laure trouvera sa place au Carmel de Verdun pour affirmer son choix : celui de la prière, d’abord, avant tout, qui scande la journée et demande de « lâcher tout pour être vraiment au Seigneur ».
Ses activités quotidiennes ne l’éloignent pas de ce but, même si pendant l’oraison du matin, elle est parfois distraite dans son recueillement par une liste d’occupations profanes. Elle vit paisiblement l’alternance de ces moments de la journée, « va au travail avec le Seigneur qui est présent dans toutes les tâches humaines », s’emploie chaque jour, sereine, à « unifier sa vie ». Le bruit des voitures dans la rue toute proche ne la perturbe pas. Le Carmel est dans la ville, depuis son arrivée de Terre Sainte en Europe au XIIIème siècle, ouvrant la voie de sa mission apostolique. Il accueille comme beaucoup d’autres les personnes désireuses d’y faire une retraite spirituelle, il est ouvert au monde. Sans regarder l’heure, sans précipitation, Sœur Laure rappelle gentiment :
« Il reste trois minutes avant les vêpres. »
Pas question de faire attendre le Seigneur.
Objet We trust in wood par matali crasset réalisé par l’atelier Plumlaine du Carmel de Verdun (Verdun, 55) :
Couverture surpiquée en coton imprimé.
L. 210 cm x l. 210 cm
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