Quel regard peuvent porter ensemble sur le patrimoine d’une ville meusienne comme Saint-Mihiel un artiste graveur, peintre et dessinateur, Frédéric Coché, et un jeune écrivain féru de poésie, Loïc Demey ? Comment vont-il, au fil du temps, s’approprier son histoire, son récit, pour en faire la pâte d’une œuvre commune, finement tissée de leurs deux pratiques ?
Invités en résidence au printemps, Frédéric Coché et Loïc Demey commencent naturellement par découvrir les lieux phares de la ville, identifiés, remarquables : l’abbatiale Saint-Michel et l’église Saint-Etienne avec leurs trésors Ligier Richier, sa Pâmoison de la Vierge et son Sépulcre, les richesses du Musée d’art sacré, et le précieux graduel de la Bibliothèque bénédictine. De longues déambulations les entrainent aussi, séparément ou ensemble, des ruelles Renaissance du bourg aux extérieurs de la ville, aux Dames de Meuse, et, sur les hauteurs, du fort du Camp des Romains aux tranchées du Saillant. Le graveur et l’écrivain peuvent puiser à volonté dans cette matière première très riche, cette banque d’images, de formes, ce vocabulaire, offerts largement, généreux.
Parce qu’ils sont accueillis, hébergés dans des familles sammielloises implantées de longue date ou plus récemment, ils perçoivent, par le récit privé, les évolutions de la ville, ses subtilités, ses blessures, certaines spectaculaires, d’autres plus discrètes, à hauteur d’homme.
Parce qu’ils ont, pendant plusieurs semaines, tracé physiquement de leurs corps, les axes et les détours de la ville ; parce qu’ils ont croisé l’organiste, rencontré le souffleur de verre ou logé chez la conseillère municipale, ils acquièrent progressivement une connaissance très subtile et expérimentale des lieux.
Qu’est-ce que le patrimoine d’une ville ?
Par le trait pour l’un, le verbe pour l’autre, ils tentent d’esquisser ensemble une réponse très personnelle à cette question : qu’est-ce finalement que le patrimoine d’une ville ? Une richesse commune, certes architecturale, historique, artistique, paysagère, mais aussi un langage plus informel qui traverse la cité et trouve son actualité en étant d’abord incarnée. Ce sont leurs regards, contemporains et portés par leurs vocabulaires respectifs, qui en témoignent. Cette immersion longue offre aussi des temps de rencontre privilégiés avec des classes d’élèves auxquels les deux compagnons de route livrent des indices sur leurs processus de création.
La collaboration s’enrichit de moments de complicité vraie, de digressions, et le creuset d’un livre à venir se forge. Issues des prises de notes et des dessins sur le vif, les eaux-fortes de Frédéric Coché commencent à voir le jour, narratives, oniriques, en forme de bande dessinée muette, énigmatique. Le texte de Loïc Demey qui dialogue avec elle de façon autonome et intime en donne certaines clés, mais pas toutes, en posant une voix sur cette aventure dont il fait le récit authentique et néanmoins follement libre.
Cette alchimie, née des mêmes découvertes, des mêmes surprises, des mêmes enthousiasmes, verra donc le surgissement d’une rocambolesque église-vaisseau, suivra l’enlèvement d’un Christ noyé, l’avènement du prêtre Oudin, et nous parlera des abeilles aussi, parce que, Frédéric Coché et Loïc Demey en sont tous deux convaincus, il faut toujours parler des abeilles…
Cette résidence, soutenue par la DRAC Grand Est et la région Grand Est, est réalisée en partenariat avec la Bibliothèque Départementale de la Meuse, avec le concours de POEMA.